6.01.2012

Jimmy Edgar, Majenta plein les yeux

A l’instar de notre Sébastien Tellier, mais dans une gamme chromatique différente, le producteur de Détroit Jimmy Edgard irrigue son nouvel effort, «Majenta», de couleurs acidulées. Ce fou de Prince et de synthétiseurs modulaires nous transporte dans des années musicales révolues (les 80’s) et nous convainc qu’elles sont encore d'actualité. Entretien exclusif.


Comment a été accueilli la sortie de ton précédent album, « XXX », réalisé pour le compte de !K7 en 2010 ?
Jimmy Edgard : Les réactions ont été très positives aux Etats-Unis. En Europe, ce disque a un peu déconcerté les gens mais l’accueil a quand même été plutôt bon. En fait, les influences sur ce disque viennent principalement du R ‘n’ B et c’est quelque chose de très américain… Aujourd’hui, le R ‘n’ B est probablement l’une des formes musicales les plus américaines qui soit avec le jazz. Techniquement, l’album est parfait. J’ai travaillé dessus pendant 5 ans et j’ai utilisé beaucoup de matériel analogique de « class A » sur ce disque. A mon humble avis, la production de « XXX » est l’une des  meilleures que j’ai réalisée à ce jour.

Depuis 10 ans, tu as souvent changé de label. Est-ce que c’est un choix personnel ?
J.E. : En fait, cela arrive naturellement. Je suis à la frontière exacte entre la musique populaire et la musique underground. C’est une dichotomie assez intéressante. Des labels s’investissent dans mes projets parce que cela les intéresse et, d’une certaine façon, j’aime les changements radicaux. Cela dépend des contextes mais je suis bien obligé d’avouer que tout ceci est dû à des choix souvent personnels. En fait, quoi que tu fasses, tout est lié à tes choix personnels, que tu en ais conscience ou pas. Nous avons un contrôle sur les choses bien plus important que celui que l’on veut bien reconnaître.

Peux-tu nous en dire plus sur le processus d’enregistrement de ton nouveau disque « Majenta » ?
J.E. : J’ai commencé à travailler sur cet album avec de vieux samplers, un synthétiseur polyphonique analogique 8 voix et de vieux synthés analogiques. Je fais de la musique sans ordinateur. Quand je suis satisfait du résultat, je transfert le morceau sur bandes ou je l’enregistre directement dans Logic en passant par des convertisseurs. Puis, la plupart du temps, je me concentre sur le fait de dépouiller mes chansons, de retirer pas mal de choses puis de rééditer le tout ainsi que les parties mélodiques. C’est une phase que j’appelle une phase d’« ornementation ». « Majenta », quand à lui, a été conçu d’une façon un peu différente car j’ai assemblé un synthé modulaire de 27 racks pour l’occasion. La plupart des sonorités de ce disque sont issues de la synthèse modulaire.  Habituellement, j’ai la capacité d’avoir un système modulaire de 16 voix et je recherche la possibilité de pouvoir le configurer pour jouer 8 voix en même temps avec un système MIDI. Je crois que je vais devoir attendre que le module 8 voix sorte. En attendant, je me contente de 5.

Parlons de certains titres de ce disque, comme « Attempt To Make It Last » ou « I Need Your Control ». On a l’impression qu’ils ont été enregistrés dans les années 80 sous influence de Prince, on pense à « Soft & Wet », par exemple. Quel est ton avis sur la question ?
J.E. : Oui, j’ai grandi avec Prince. Tous ceux qui connaissent ma musique le savent. Lentement, je me détache de ces influences car les années 80 étaient cools pendant un moment. Aujourd’hui, cela devient ennuyeux… Mais le son de cette époque est encore chargé d’émotions pour moi. Quoi qu’il en soit, les morceaux que tu as cités ont été réalisés il y a quelques années. Ils sont bons mais par forcément représentatifs à 100% de ce que je fais aujourd’hui. En revanche, ils sont relativement intemporels. En ce moment, je travaille sur de la musique futuriste, je crois que cela aura une influence sur mes prochaines réalisations. Mes prochains travaux seront assez uniques et détachés de mes influences passées. Le synthétiseur modulaire a radicalement changé ma façon de travailler et de faire de la musique.

L’artwork de “Majenta” est assez kitsch. Quel est ton point de vue sur la question ?
J.E. : Tous ceux qui pensent que ce visuel est kitsch sont un peu ignorants. Mais, j’accepte la critique, ça ne me pose pas de problème. Je trouve qu’il est important d’apporter une touche humoristique à une chose qui peut paraître totalement sérieuse. Désolé, mais je ne prends pas au sérieux (rires). Cet artwork est une oeuvre du nom de Majenta, que j’ai réalisée moi-même pour l’occasion. Elle représente la part féminine de l’humanité qui rayonne. L’énergie des étoiles changent la couleur des UV en majenta. C’est une couleur que certains d’entre nous sont capables de voir et cela peut changer la conscience de l’humanité. Dans ton enfance, as-tu déjà noté que le soleil virait du jaune au bleu clair ?

Je vais réfléchir à la question (rires). Sinon, quelle va être la prochaine étape pour toi ?
J.E. : Je vais continuer à peaufiner mon show à base de LED pour qu’il devienne encore plus impressionnant et animé. Je vais continuer à voyager à travers le monde pour défendre mon disque. Puis, plus que tout, je vais essayer de passer du temps en studio et travailler avec de nouveaux artistes. Je crois que cette année va être incroyable !

Propos recueillis par Laurent Gilot
Photo : DR

Jimmy Edgard, Magenta (Hotflush-La Baleine)
Sortie le 30 mai 2012


Jimmy Edgar, Switch Switch, video audio