7.05.2004

Radio 4, Stealing Of A Nation, disco-rock en béton

Produit par Max Heyes (Doves, Primal Scream) et enregistré au sein de la "grosse pomme", le troisième album de Radio 4, "Stealing Of A Nation", se permet le luxe de faire réfléchir tout en donnant furieusement envie de danser dans le noir. On ne boudera donc pas son plaisir à l'écoute de ce disco-rock énergique qui n'hésite pas à réclamer un peu plus de justice dans un pays qui en a bien besoin. Entretien.

Que vous est-il arrivé depuis la sortie de votre dernier album, "Gotham!", en 2002 ?
Anthony Roman : Nous sommes devenus un groupe international, mondial (sourire). Mais beaucoup de groupes originaires de New York ont fait la même chose en Europe, ils ont eu un impact similaire à celui que l'on a eu avec notre deuxième album.

Le fait de retrouver l'un de vos titres, "Dance To The Underground", dans une publicité pour une grande marque de soda, Coca-Cola, a-t-il eu un impact sur votre popularité ?
A.R. : Je n'en ai aucune idée (rires). Cela nous a quand même donné une meilleure exposition, on a pu toucher des gens qui, normalement, n'auraient jamais du avoir accès à notre musique. Cela peut avoir des aspects négatifs ou positifs, mais comme la plupart des choses dans la vie.

Est-ce que l'on peut dire que cet accueil et la tournée qui a suivi ont, en quelque sorte, inspiré ce nouvel opus ?
Gérard Garone : Ce nouvel album est vraiment influencé dans sa conception par le live. Le temps que l'on a passé ensemble sur la route se reflète, d'une manière ou d'une autre, dans les morceaux de "Stealing Of A Nation". "Party Crashers" a été écrit en tournée mais la plupart des titres ont été composés à Brooklyn dans notre local.
A.R. : Cette fois-ci, nous avons voulu travailler différemment. Chacun a composé des trucs de son côté et, ensuite, nous nous sommes réunis en studio pour confronter nos idées. En fait, on utilise un peu toutes les méthodes pour arriver à élaborer un morceau. Il n'y a pas de formule préétablie. Il ne faut pas s'interdire pas d'explorer des voies différentes. Jusqu'à présent, nous avons toujours composé à trois dans notre studio. Il était important, cette fois-ci, de changer tout cela, d'utiliser plus de boîtes à rythmes, de modifier notre façon de faire…

Et qu'est-ce qui vous a poussé à utiliser plus de sonorités électroniques sur ce nouvel opus ?
A.R. : C'est la house music (sourire). En fait, je ne sais pas, on pourrait dire que l'on a passé du temps avec des gens qui utilisent des séquenceurs, des sons électroniques, c'est une approche différente de la musique. Et puis, nous aimons beaucoup de choses dans l'électronique et nous voulions expérimenter à ce niveau-là et voir ce qui allait en sortir.
G.G. : En fait, j'ai rejoint le groupe après la réalisation de "Gotham!" et ils m'ont vraiment laissé carte blanche pour travailler sur les sonorités électroniques.

Le titre de ce troisième opus, "Stealing Of A Nation", est relativement explicite.
A.R. : C'est à propos des Etats-Unis, de ce pays qui perd son identité, qui vole l'identité de ses propres citoyens comme lors des dernières élections où la Floride a fait basculer les voix en faveur de George Bush. Espérons que cela va changer lors des prochaines élections en novembre. Ce qu'il y a de drôle, c'est que l'on constate que tout le monde ici sait que la prochaine élection est en novembre alors qu'aux Etats-Unis, personne n'est au courant (rires).
G.G. : C'est bien que l'on ait des gens comme Michael Moore qui représentent une forme de contre-pouvoir. Il véhicule une certaine façon de penser dans notre pays. Ça serait encore mieux si cela inspirait plus de personnes pour qu'ils réalisent des films comme "Fahrenheit 9/11". Mais, il n'est qu'une partie de la vérité et cela peut être assez dangereux en définitive, c'est une vision et, à sa manière, il utilise l'information, la manipule comme Bush. Je suis d'accord avec ce qu'il pense mais cela peut-être mal utilisé.

C'est donc un disque assez engagé, voire enragé ?
A.R. : C'est vrai mais c'est plus un album de frustrations que de colère. Et puis, en apparence, c'est un disque pour faire la fête. En définitive, "Stealing Of A Nation" est un album qui oscille entre discours politique et envie de danser.

Pouvez-vous nous parler en détail de certains titres de ce disque et des sujets qui vous avez pu aborder ?
"Party Crashers" évoque les gens qui viennent à New York pour de mauvaises raisons, parce qu'il y a une scène qui est très active en ce moment. Ce qu'il y a de positif, c'est que beaucoup de musiciens ont commencé à jouer avant que l'engouement pour la ville soit aussi fort qu'à l'heure actuelle. Il y a beaucoup de groupes honnêtes qui font de la musique pour les bonnes raisons. Alors qu'il y en a d'autres qui ne font que suivre le mouvement, la mode du moment… On est en connexion avec pas mal de formations de la ville comme les !!!, Interpol, James Murphy… En revanche, on ne connaît personne dans TV On The Radio (rires).
"Transmission" parle des kids qui composent des morceaux dans leur chambre à coucher et du fait que ces derniers deviennent de gros hits dans les clubs. C'est très intéressant comme démarche, je suis assez fasciné par des musiciens comme The Streets, Dizzee Rascal ou n'importe quels producteurs de house music. La technologie est maintenant tellement sophistiquée que tu n'as plus besoin de passer par un grand studio, d'investir beaucoup d'argent pour ça… C'est un rêve pour plein de kids et il y a un côté vraiment honnête dans cette façon de faire.
"State Of Alert" traite de cette peur que fait planer le gouvernement sur d'hypothétiques attaques terroristes. C'est un moyen de faire peur aux gens. On a eu ce grand black-out l'année dernière et tout le monde croyait que c'était le fruit d'une attaque terroriste. Les gens sont complètement conditionnés car c'est la première chose à laquelle il pense, c'est inquiétant.
"The Death Of America Radio" évoque les grosses compagnies qui ont la mainmise sur les grands réseaux. Il y a quelques années, ce médium a influencé beaucoup de gosses mais, aujourd'hui, la radio américaine est devenue vide de sens, uniquement commerciale…
"No Reaction" parle de ces gens qui protestent contre la guerre ou autres et qui ne sont pas entendus par le gouvernement. Les politiciens n'y prennent pas attention et s'en foutent…
"Absolute Affirmation" parle de l'indulgence excessive…
"(Give Me All Of Your) Money" se rapporte à plusieurs choses et, en particulier, aux gens qui essaient de vous voler votre argent à la TV comme les télévangelistes, par exemple. Il y a l'exemple de ce garçon qui était malade et pour lequel beaucoup d'argent avait été récolté. Au final, celui-ci est mort et l'argent est parti dans les caisses des télévangelistes.
"Coming Up Empty" est peut-être mon morceau préféré de cet album car il est vraiment très différent du reste. Cela parle de l'abus de drogues dans les banlieues, c'est mon avis sur le sujet de ce titre mais je peux me tromper car c'est Tommy qui l'a écrit (rires).

Comment cela va-t-il se passer sur scène ?
G.G. : Ça sera assez similaire à ce que l'on peut entendre sur le disque sauf, que sur scène, nous sommes beaucoup plus agressifs !

Texte : Laurent Gilot
Photo : Michael Lavine

Radio 4 "Stealing Of A Nation" (City Slang/Labels)
www.r4ny.com