Electron libre de la scène new-yorkaise, le musicien végétarien vient de réaliser à 33 ans l’une de ses oeuvres les plus abouties. Avec « Play », Richard Melville Hall (son nom de baptême) recycle blues et gospel en les soumettant aux sonorités synthétiques du moment, offrant ainsi l’un des albums les plus jouissifs de ce printemps !Quelles ont été tes activités depuis la sortie de ta compilation de musiques de films « I Like To Score » ?
Richard Melville Hall : J’ai escaladé l’Everest mais je ne suis pas allé jusqu’au sommet. Puis, j’ai voyagé en VTT à travers l’Ecosse et l’Irak. Ensuite, je me suis attelé à la préparation de mon nouvel album car cela prend du temps (rires). J’ai mis un peu plus de 12 mois pour l’enregistrer dans ma maison à Manhattan, un endroit où beaucoup de Français vivent.
Pourquoi as-tu choisi le titre « Play » ?
Pour une raison stupide… Je voulais un titre court et mes précédents albums avaient tous des titres très longs, un peu lourd. En fait, le truc, c’est que j’aime jouer avec les samples, les structures sonores que j’élabore.
Comparé à tes deux précédents disques, « Play » est l’un des plus homogènes. Qu’en penses-tu ?
C’est assez drôle car certaines personnes pensent que c’est un album très varié alors que d’autres trouvent étrange le mélange d’influences. Je désirais en fait réaliser un disque qui ne soit pas trop éclectique comme cela a pu être le cas, à l’extrême, avec « Everything Is Wrong » ou « Animal Rights ». Je voulais que « Play » soit plus cohérent, qu’il y ait une vraie unité entre tous les morceaux, qu’ils s’imbriquent bien les uns avec les autres.
Pourrait-on employer le terme de « mature » pour décrire « Play » ?
Je n’aime pas vraiment ce terme. Si tu veux dire que c’est un album mature, libre à toi de le faire. Je trouve que cela implique, une certaine mesure, retenue, mais je ne sais pas si cela s’applique à ma musique. Personnellement, je me sens plus mature qu’il y a 10 ans même si je suis très mal placé pour juger de mon travail.
Quelle est ta méthode de travail en tant que musicien ?
La plupart des disques que je réalise sont enregistrés par mes soins. Il m’est arrivé de collaborer avec des musiciens, comme sur « Everything Is Wrong » ou la BO de James Bond, mais c’était exceptionnel. J’écris tous mes morceaux, je joue de tous les instruments, je m’occupe de la production ainsi cela me permet d’essayer différentes idées. Si j’étais entouré de musiciens, je serais probablement plus nerveux et je me sentirais moins libre d’expérimenter.
Les voix que l’on retrouve sur ton album sont tirées des travaux d’archivages sonores d’Alan Lomax. Comment as-tu découvert ces enregistrements qui datent des années 20 ?
Par accident. En 93, la maison de disques Atlantic a sorti une compilation, « Sounds Of The South », qui regroupait plus d’une centaine d’enregistrements réalisée par le musicologue Alan Lomax. Je l’ai écouté et je suis tombé amoureux de leur qualité. Ce qu’il y avait de bien, c’est que la plupart des morceaux vocaux étaient chantés a capela. J’ai donc pu les samplers sans problème pour ensuite bâtir des chansons autour. Cet homme traversant le sud des Etats-Unis dans les années 20 en enregistrant tous ces musiciens noirs : ça devait être une expérience fascinante !
Est-ce le côté spirituel de ces chants qui t’as attiré ?
J’ai été plus intéressé par le caractère émotionnel des voix que par la nature religieuse de celles-ci. La spiritualité est beaucoup évoquée à travers les paroles de ces chants mais le côté humain est celui qui m’a le plus touché.
Peux-tu nous parler en détail de certains morceaux ?
J’aime toute sorte de musique, cela va du classique au punk en passant par le rock, le blues, le hip hop, la house, la pop... et je crois que cela s’entend sur « Play ». « Find My Baby » a été composé à partir d’un sample des enregistrements de Lomax sur lequel j’ai rajouté une partie de batterie, de guitare… Le titre de ce morceau vient d’une histoire qui est arrivée à ma petite amie. Celle-ci avait perdu un rubis appelé « Baby » hérité de sa grand-mère. Nous avons passé des mois à le chercher d’où le titre de ce morceau. « Porcelain » parle de mon ex-girlfriend et de la passion très forte qui nous unissait. C’est une chanson triste, très simple, sur la fin d’une relation puisque je l’ai quittée. « Bodyrock » contient un sample de « Love Rap » de Spoonie Gee qui a été un gros tube en 1981 à New-York. J’ai grandi en l’écoutant et je l’adore. Je trouvais intéressant le fait d’intégrer des éléments hip hop, un riff de guitare à la Led Zeppelin à des chœurs et des cordes « épiques ». « Run On » sample un morceau de gospel enregistré en 1943 qui parle de la colère de Dieu. Je voulais en faire un morceau effrayant car les paroles sont assez dures mais la plupart des personnes trouvent que c’est un morceau de pop assez joyeux (rires). « The Sky Is Broken » parle de l’Apocalypse et aussi du fait d’être profondément en phase avec la personne que l’on aime, c’est un morceau très personnel.
Les thèses apocalyptiques de cette fin de millénaire vous touchent ?
Nous vivons sur une planète qui a plus de 20 millions d’années d’existence alors 100 ans ne signifie rien…
Texte : Laurent Gilot
Photo : DR
Moby « Play » (Mute/Labels)
Sortie le 11 mai 1999
www.moby.com





